Octobre 2016. Après trois mois de road trip sur la côte est australienne, j’arrivai à Melbourne avec l’intention d’y chercher un travail et d’y séjourner quelques mois. Je ne savais pas encore que j’allais adorer y vivre, au point de sérieusement envisager m’y installer définitivement. Nous sommes désormais en février 2023, je suis revenu en France depuis cinq ans, mais mon attachement pour cette ville extraordinaire n’a pas faibli et je suis sur le point de retourner y habiter pour plusieurs mois ! Mais avant d’entamer cette nouvelle aventure j’avais envie de raconter l’histoire de mes premiers jours sur place il y a presque sept ans, entre moments de bonheur, période d’anxiété et rencontres inoubliables, qui allaient finalement m’amener à tomber amoureux de la ville. Merci pour toutes ces émotions et à très bientôt Melbourne !
L’arrivée
Je suis arrivé à Melbourne le 29 septembre 2016, exactement trois mois après avoir mis le pied pour la première fois sur le sol australien. J’avais passé l’essentiel de ces trois mois à voyager le long de la côte est du pays à bord d’un van que j’avais acheté à Cairns, au nord de l’état du Queensland. Je n’avais jamais rien connu d’aussi extraordinaire que ce road trip auparavant. Quel bonheur d’être seul au volant, tout en faisant des dizaines de rencontres en chemin et en visitant un nombre incalculable d’endroits merveilleux ! Mais après avoir passé autant de temps sur la route, je commençais à sentir l’épuisement me gagner. Il était temps que je m’arrête quelque part, et ce “quelque part” allait être Melbourne.




C’est à la fin d’une très agréable semaine à Sydney que j’ai décidé de mettre un terme à mon road trip pour m’installer quelques temps à Melbourne. J’avais d’abord passé deux jours dans les sublimes Blue Mountains tout près de Sydney puis quelques heures à Canberra, la capitale un peu ennuyeuse du pays, d’où il me restait encore près de 700km jusqu’à Melbourne. J’avais choisi de diviser le trajet en deux avec une dernière nuit dans mon van du côté de Shepparton, à peu près à mi-chemin. Je l’ignorai encore à ce moment-là, mais par une curieuse coïncidence j’allais y revenir quelques semaines plus tard pour travailler trois mois dans un verger et accomplir mes “jours de ferme” nécessaires à l’obtention d’un second visa. Mais ceci est une autre histoire…



Tout semblait parfait le lendemain matin. Il faisait beau, je n’étais plus qu’à trois heures de route de Melbourne. Je m’imaginais déjà laisser mon van dans une rue tranquille, rejoindre mon auberge de jeunesse et m’offrir un bon restaurant le midi pour célébrer mon arrivée. Mais rien n’allait se passer comme prévu… Au bout d’une heure environ, une désagréable odeur de brûlé s’était répandue dans l’habitacle. Il m’avait fallu quelques minutes pour me rendre compte que cette odeur venait de mon van lui-même ! Un peu paniqué, j’avais pris la première sortie d’autoroute, menant à une petite ville du nom de Seymour. Le temps de trouver un garage ouvert, une petite fumée commençait même à s’échapper de la calandre… Le diagnostic était sans appel : une courroie du système de refroidissement avait lâché et mon moteur était en surchauffe. Bonne nouvelle, le problème n’était pas trop grave et mon van était réparable ; mauvaise nouvelle, j’allais quand même devoir attendre quatre ou cinq jours pour le récupérer ! Heureusement, il y avait une gare à Seymour. J’avais laissé mon van au garage, empaqueté un maximum d’affaires dans mon sac à dos, et c’est finalement en train que j’avais rejoint Melbourne au milieu de l’après-midi.
Premier week-end
Cette fin de parcours inattendue n’aidait pas, mais je fus plutôt déçu des vingt minutes de trajet à pied entre la gare de Southern Cross et mon auberge de jeunesse. J’avais entendu tant de compliments élogieux sur Melbourne que ce premier aperçu me laissait un peu sur ma faim : un trafic dense et bruyant, de grands immeubles un peu ternes de part et d’autre de la rue… Il allait me falloir un peu de temps pour réaliser que ce n’était pas une ville que l’on pouvait appréhender en quelques instants seulement. Il faut de la patience pour apprécier l’atmosphère unique de ses ruelles et quartiers, mais cela vaut la peine de persister.


Heureusement, mon premier week-end à Melbourne allait contribuer pour beaucoup à l’amour que j’ai pour cette ville. Le vendredi soir, j’ai retrouvé Kate, une amie Australienne rencontrée des années auparavant en Suisse, qui s’était fait un plaisir de m’entrainer dans plusieurs de ses endroits préférés. Je ne me souviens pas de tout, mais j’avais été marqué par ma découverte des bars cachés, une spécialité de Melbourne : des établissements invisibles de la rue et uniquement accessibles aux “initiés”, ceux qui savaient quelle porte pousser pour s’y rendre, un peu comme dans le monde d’Harry Potter. Il y avait le Goldilocks et sa terrasse en surplomb de Swanston Street, Pizza Pizza Pizza, un lounge confortable derrière un kiosque de vente à emporter de pizzas, The Swamp Room, une petite pièce sombre uniquement éclairée par des guirlandes lumineuses dans l’arrière-salle d’un bar à cocktails… J’allais devenir un fan absolu de ce genre d’endroits : il y en a bien d’autres partout en ville, et c’était chaque fois une joie d’en découvrir un nouveau.

C’était aussi un week-end important pour beaucoup de Melbourniens : celui de la finale du championnat du football australien, le “footy”, qui se déroule traditionnellement au Melbourne Cricket Ground devant plus de 100 000 spectateurs. Kate m’avait invité à venir voir le match chez ses parents avec elle et sa compagne. Cela reste la seule et unique rencontre de footy que j’aie vu à ce jour mais le spectacle m’avait plu, même sans toujours comprendre ce qu’il se passait (et je n’essayerais pas de vous expliquer les règles ici !). Les grands favoris cette année-là étaient les Sydney Swans. C’était leur troisième finale en cinq ans, tandis que leurs adversaires, les Western Bulldogs (une équipe d’un quartier à l’ouest de Melbourne) n’avaient plus atteint ce niveau depuis 1961. Mais contre toute attente, à l’issue d’un match serré, l’outsider avait réussi à vaincre son rival ! Je suis sorti dans deux bars ce soir-là où j’ai rencontré quelques fans des Bulldogs, encore émus à en pleurer plusieurs heures après la victoire de leur équipe.


Premiers boulots, premières rencontres…
Les jours suivants, j’ai commencé à chercher à la fois un travail et un logement. En l’espace d’une quinzaine de jours, j’ai enchainé plusieurs petits boulots : j’ai déposé des tracts dans les boites aux lettres d’un quartier résidentiel en vue d’une élection locale, j’ai travaillé à l’accueil d’un “Wine and Cheese Festival” pendant un week-end (avec dégustation offerte en fin de journée), je me suis engagé en tant que “fundraiser”, ces personnes qui arrêtent les passants dans la rue pour essayer de les convaincre de faire un don à une association… Et puis je déposai aussi un grand nombre de CV dans des bars, cafés et restaurants, tout en en profitant pour commencer à explorer la ville.




En attendant de trouver une chambre en colocation, l’auberge dans laquelle je séjournais était géniale. Elle était parfaitement située au cœur de Melbourne, face à la plus grande gare de métro et de tram (Flinders Street Station) et à deux pas de la Yarra River. Mais surtout, j’y ai fait plusieurs rencontres dont notamment trois Français qui venaient d’arriver en Australie, Quentin, Stefan et Thomas, puis par ricochet l’une de leurs connaissances qui vivait à Melbourne depuis quelques semaines déjà, Maya. Tous les quatre sont encore aujourd’hui des amis très proches pour moi, que je revois aussi souvent que possible. Je me souviens notamment d’une soirée tous ensemble à St Kilda (le quartier balnéaire de la ville) peu de temps après notre rencontre, avec d’autres personnes de notre auberge de jeunesse. Plus les jours passaient et plus Melbourne me plaisait, et plus je me sentais heureux !


Au moment d’écrire cet article, Maya est d’ailleurs de retour à Melbourne depuis deux mois avec son copain et je me réjouis de les retrouver bientôt là-bas ! Vous pouvez retrouver leurs aventures sur son blog, 16810, comme le nombre de kilomètres entre Paris et Melbourne.
…et premières galères !
Malheureusement, cet état de grâce n’allait pas durer et plusieurs coups durs allaient alors s’enchainer. Première déception, Stefan et Thomas avaient choisi de quitter Melbourne pour débuter leur voyage en Australie ; Quentin avait lui trouvé une chambre en colocation, et je me retrouvais seul dans mon auberge de jeunesse. J’avais fait quelques visites d’appartements moi aussi mais rien ne m’avait plu, et je décidai en attendant mieux de changer d’auberge pour une autre moins coûteuse. Je compris rapidement pourquoi elle était moins chère : l’intérieur était sale, ni confortable ni accueillant, et j’y vis même une souris dans mon dortoir un soir ! Sans oublier cette grosse dame dans le lit voisin du mien qui ronflait terriblement fort toute la nuit…
Côté job, je ne recevais aucun appel malgré les dizaines de CV déposés et je commençais à désespérer. J’avais quitté mon poste de “fundraiser” au soir de ma première journée : c’est sans la moindre hésitation le pire métier que j’aie jamais exercé et même si d’après mes collègues je m’en étais très bien sorti, j’avais détesté l’expérience. L’argent allait finir par manquer, d’autant que j’avais dû faire face à deux dépenses inattendues. La pièce à réparer sur mon van avait coûté plus cher que prévu, et lorsque j’étais revenu à Melbourne, je m’étais par erreur garé dans une rue où le stationnement était libre et gratuit… sauf le dimanche matin, pour une raison inconnue. J’avais du le récupérer à la fourrière ! En moins d’une semaine, mon van adoré m’avait coûté plus de 1000$…

J’étais au fond du trou. Pendant deux ou trois jours je me suis même sérieusement posé la question de reprendre la route, retourner à Sydney ou aller tenter ma chance ailleurs, à Adélaïde peut-être. Mais tout allait se débloquer en très peu de temps.
Ladurée et Chapel Street

Pendant ces premières semaines à Melbourne, j’avais été frappé par le nombre de cafés partout en ville. Les Melbourniens en raffolent et en consomment sous toutes les formes possibles : court, allongé, avec plus ou moins de sucre, de lait ou de mousse… Je n’en buvais pas moi-même, je n’aimais pas le goût, mais je m’étais malgré tout inscrit à une formation d’une journée pour devenir barista, pensant que cela pourrait m’aider à trouver du travail. Ce cours accéléré m’avait énormément plu : j’avais découvert ce qu’était un long black, un flat white ou bien encore un latte macchiato, j’avais goûté quelques cafés que j’avais plutôt appréciés, et j’avais beaucoup aimé apprendre à en préparer moi-même. Le lendemain, un peu par hasard, je tombai sur une offre d’emploi chez Ladurée, la marque française de luxe connue pour ses macarons et qui ouvrait une nouvelle boutique dans un centre commercial au sud de Melbourne. Le jour suivant j’avais un entretien, deux jours plus tard j’étais embauché et une semaine après je commençais à travailler en tant que barista !



La même semaine, je trouvais aussi la colocation de mes rêves. Elle se trouvait dans le quartier de Prahran, à deux pas de Chapel Street, une rue très animée qui allait vite devenir ma préférée de Melbourne avec ses innombrables bars, restaurants et boites de nuit. La maison était vieille et un peu délabrée, la cuisine était minuscule et un carreau de la fenêtre de ma chambre était cassé et grossièrement réparé avec du scotch, mais j’avais eu un coup de cœur dès ma première visite. J’avais eu l’impression d’atterrir dans l’appartement du film l’Auberge Espagnole, où le personnage principal joué par Romain Duris part vivre à Barcelone pendant un an en Erasmus. Nous étions douze colocataires, venus des quatre coins du monde : il y avait deux Canadiennes, une Japonaise, une Française, une fille aux origines Thaï et Suédoise, un Néerlandais, un Français, un couple d’Américains… Vivre sous le même toit que onze autres voyageurs du monde entier, c’était la promesse de rencontres, de découvertes, de rires, de joie et de soirées inoubliables. De pleurs, de disputes, de tristesse et de colère aussi, sans doute. Mais plus que tout, c’était la certitude de vivre des moments uniques, de ressentir des émotions intenses, de me construire des souvenirs ineffaçables. Je n’avais pas hésité une seule seconde et j’avais emménagé dès le lendemain.

C’est ainsi qu’après ces quelques hauts et bas, ma vie à Melbourne débuta réellement, avec un travail que j’allais beaucoup apprécier (et qui allait même me faire aimer le café !), des colocataires dont certains allaient devenir des amis, beaucoup de moments inoubliables et suffisamment de temps libre pour explorer cette ville extraordinaire, ses ruelles, ses parcs, son street art, et l’incroyable atmosphère de ses différents quartiers. Plus de six années ont passé, mais je m’en souviens comme si c’était hier et je n’oublierai jamais ces quelques mois à Melbourne, l’une des meilleures périodes de ma vie.


