A la découverte de Tokyo - Lost in Translation

Sorti en 2003, le film Lost in Translation m’a toujours beaucoup touché et inspiré, et il a contribué à me donner envie de découvrir le Japon. Mais il a pris une nouvelle dimension pour moi lorsque je l’ai revu une fois de plus après avoir voyagé dans le pays. Subitement, les images que j’avais sous les yeux et qui m’avaient toujours fascinées devenaient presque familières. Je reconnaissais certains lieux, je me retrouvais dans les réactions des personnages, j’étais presque de retour au Japon. Mais c’est surtout une émotion en particulier qui m’est alors revenue en tête : le souvenir d’une dernière journée mélancolique à Tokyo… En voici le récit !

Cet article est l’introduction d’une série d’articles sur Tokyo. Découvrez les suivants :

Lost in Translation a toujours été un de mes films préférés. J’adorais la poésie sans prétention de son scenario, les émotions dans les yeux de Charlotte (Scarlett Johansson) et sa beauté un peu naïve, le charisme et le second degré de Bob Harris (Bill Murray), la mélancolie de la musique… et Tokyo. J’étais fasciné par la manière dont Sofia Coppola filmait la ville, par les vues panoramiques depuis l’hôtel, par les néons colorés et les foules si denses, par les oasis de paix des temples… Mais ce n’est qu’en revoyant le film quelques mois après avoir voyagé au Japon que j’ai réalisé à quel point elle avait parfaitement capturé l’essence de Tokyo dans une série de plans magnifiques, parfois lents et contemplatifs, parfois flous et mouvants, toujours avec une certaine forme de distance entre le tumulte de la ville et nous spectateurs observant tout cela du point de vue des personnages, le tout sublimé par le talent de ses acteurs.

Captures d’écran du film Lost In Translation de Sofia Coppola

Je crois que ce film a contribué à me donner envie d’aller au Japon, ce que j’ai fait à la fin du mois de mars 2018. Entre mon départ en Australie en juin 2016 et mon retour définitif en France début 2019, c’est le seul voyage que je n’ai pas effectué seul. J’avais été rejoint sur place par Jeff, un ancien collègue de l’époque où je vivais en Suisse. Son avion atterrissait à Tokyo quelques heures après le mien et nous avions exploré le pays ensemble pendant une douzaine de jours.

Jeff and Matthias in Shinjuku Gyoen in Tokyo

Il avait fini par repartir chez lui à la fin de ses vacances, me laissant seul pour 24 heures à Tokyo avant que je ne m’envole pour la suite de mon voyage aux Etats-Unis. Nous avions passé un séjour génial tous les deux, avec probablement souvent sur le visage la même expression d’étonnement que Charlotte et Bob dans le film, mais ces dernières 24 heures en solitaire allaient avoir un parfum unique et particulier pour moi, et elles figurent encore maintenant parmi mes meilleurs souvenirs du pays.

Pendant tout le temps que Jeff et moi avions passé ensemble, nous parlions Français entre nous, nous partagions nos impressions sur les lieux que nous visitions, nous nous aidions mutuellement à nous repérer et à passer commande au restaurant, comme des touristes lambda visitant un pays lointain. Nous étions tous les deux éberlués par la différence entre la culture japonaise et ce à quoi nous étions habitués en Europe, mais c’est seulement lorsque je me suis retrouvé seul que j’ai réalisé à quel point j’étais loin de chez moi.

Je me suis longuement promené dans Tokyo ce jour-là, dans des quartiers où nous ne nous étions pas rendus ensemble, jusqu’à arriver un peu par hasard au temple de Zozo-ji, au pied de l’immense Tokyo Tower et sa silhouette de Tour Eiffel. C’est là que j’ai découvert un lieu poignant dont le souvenir ne s’effacera jamais de ma mémoire. Sur la droite du temple, un peu cachées dans la végétation, se trouvaient des rangées de centaines de petites statues de pierre au visage rond et enfantin, les yeux fermés. Toutes étaient coiffées d’un bonnet rouge, certaines portaient des vêtements et à côté de chacune d’entre elle se dressait une petite éolienne colorée. Lorsqu’une légère brise se levait, leurs pales bruissaient doucement en rythme, contribuant à l’atmosphère particulière du lieu. Un panneau à côté m’apprit qu’il s’agissait d’un mémorial pour enfants : ces statuettes représentaient des divinités protectrices dédiées à la bonne santé des enfants, ainsi qu’à la mémoire des bébés mort-nés ou victimes de fausses couches. Les éoliennes servaient à les protéger, et les bonnets à maintenir leur tête au chaud. Cette manière de rendre hommage à ces enfants innocents me toucha profondément, et en me promenant entre les rangées de statues, je sentis peu à peu l’émotion me gagner et les larmes me monter aux yeux. Il me fallut un long moment avant de réussir à repartir.

J’ai ensuite rejoint en fin de journée les rues animées d’Harajuku et de Shibuya, jusqu’à finalement arriver dans le quartier de Shinjuku à la tombée de la nuit. C’est le plus grand de Tokyo, avec ses boulevards illuminés de centaines panneaux lumineux plus brillants que Times Square et sa forêt de gratte-ciels, parmi lesquels le Park Hyatt Hotel où fut tourné Lost In Translation. Soudain, la sensation d’être un étranger dans un pays dont je connaissais si peu de choses me frappa avec une intensité extraordinaire. Je ne comprenais rien aux conversations autour de moi, je n’avais aucune idée de ce qui était écrit sur ces panneaux, j’étais incapable de communiquer avec les gens qui m’entouraient. J’avais l’impression de me tenir parfaitement immobile au milieu d’une foule mouvante, et je me sentais comme à l’intérieur d’une bulle, observant le monde à travers l’objectif d’une caméra.

J’étais un peu de Charlotte marchant seule à Kyoto, j’étais un peu de Bob le nez à la fenêtre de son taxi, j’étais un peu des deux essayant de comprendre ce qu’ils faisaient à Tokyo et s’interrogeant sur le sens de leur existence. J’étais un peu perdu dans cette ville gigantesque à l’autre bout du monde, mais j’adorais ça.

Captures d’écran du film Lost In Translation de Sofia Coppola

Avez-vous déjà vu le film Lost in Translation ? Qu’en avez-vous pensé ? Dites-le moi dans les commentaires !

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