Perdu à Bangkok

Fin juin 2016, j’ai quitté la Suisse où j’habitais à l’époque pour débuter le plus grand voyage de ma vie, celui qui allait tout bouleverser : je partais pour une année seul en Australie. Sur le trajet, je me suis arrêté à Bangkok pendant deux jours, pour une escale qui s’est avérée bien plus mouvementée que prévu. Ce souvenir m’a durablement marqué, au point de décider d’en faire le récit dans le premier chapitre du livre que j’ai commencé à écrire en 2021. Au moment de rédiger cet article en mars 2023, je suis sur le point de retourner en Australie pour plusieurs mois, avec à nouveau une escale de 48h à Bangkok. Je n’ai toujours pas fini d’écrire le livre que j’ai entamé il y a deux ans, mais j’avais envie de partager ce chapitre d’introduction, en souvenir des toutes premières heures du voyage qui allait changer ma vie pour toujours.

Il est à peine onze heures du matin, mais le hall d’accueil moderne de l’aéroport Suvarnabhumi de Bangkok en Thaïlande grouille déjà d’activité. Des annonces sonores en thaï et en anglais se succèdent, partiellement recouvertes et rendues incompréhensibles par le brouhaha général. Une foule bariolée et hétéroclite se mélange, s’entrelace, se bouscule parfois, dans une effervescence désordonnée : hommes d’affaires Asiatiques en costume-cravate se frayant un passage vers leur porte d’embarquement au milieu d’un bruyant groupe de jeunes Européens en vacances, enfants dissipés et surexcités surveillés du coin de l’œil par leurs parents qui patientent pour enregistrer leurs bagages, membres d’équipage en uniforme d’un avion venant d’atterrir, fendant la foule avec un air supérieur ; touristes fortunés avec montres de luxe, voyageurs décontractés en shorts et chemises hawaïennes, backpackers disparaissant presque sous de gigantesques sacs à dos, hommes en turbans et femmes voilées…

Au milieu de ce tumulte, indifférent à l’agitation qui m’entoure, je suis prostré sur un banc, seul. Mes sens sont agressés par l’inconfort de mon siège, par le bruit permanent des écrans publicitaires flashy et par l’odeur grasse et huileuse qui émane du fast-food voisin. La veille, j’ai entamé un voyage qui va me conduire jusqu’en Australie où je prévois de rester un an, avec une escale de deux jours à Bangkok sur mon trajet. Cela fait plus d’une heure et demie que j’ai atterri sur le sol thaïlandais, mais je n’ai toujours pas quitté le terminal. Je suis recroquevillé sur moi-même, incapable de bouger, réfugié dans une bulle où le temps semble s’être arrêté. Qu’est ce qui a pu me conduire dans une telle situation, alors que mon périple a débuté depuis moins de vingt-quatre heures et que je suis encore à plus de sept-mille kilomètres de ma destination ?

Mon cœur battait à tout rompre au moment de quitter l’Europe et d’embarquer pour un vol sans billet retour vers l’Australie en cette fin d’après-midi du mois de juin. J’avais les larmes aux yeux, j’étais à fleur de peau, en proie à la fois à une excitation intense, à une immense mélancolie et à un stress paralysant. Cela faisait des semaines que je redoutai ce moment tout autant que j’avais hâte d’y être. Maintenant que j’étais si proche du départ, je me sentais écrasé par la perspective de tout ce qui m’attendait, mais il était trop tard pour reculer. Ce n’est qu’une fois à bord de l’avion que j’avais commencé à petit à petit reprendre mon calme. J’avais essayé de dormir mais sans grand succès, j’avais regardé plusieurs films, écouté de la musique et lu pour passer le temps, et puis en début de matinée à l’heure de Bangkok, le commandant de bord avait annoncé que nous amorcions les manœuvres d’approche.

Il était environ neuf heures du matin au moment où les roues de l’Airbus A340 dans lequel j’étais assis avaient touché la piste de l’aéroport Suvarnabhumi. On m’avait attribué le siège 17K, côté hublot, et mes yeux étaient rivés sur l’extérieur. Mon cerveau fonctionnait un peu au ralenti ; il y a cinq heures de décalage entre la Thaïlande et la France, et si la journée débutait à Bangkok, pour moi il était quatre heures du matin et je sortais d’une nuit quasiment blanche. Mais la fatigue était supportable et je me sentais prêt à mettre de côté toutes les émotions négatives qui m’avaient envahi au moment du départ. Peu à peu, mon inquiétude disparut, remplacée par l’impatience grandissante de découvrir cette ville à la réputation bouillonnante.

Le contrôle de douane se déroula sans encombre, et quelques instants plus tard j’arrivai au tourniquet à bagages, attendant que le gros sac à dos bleu que j’avais enregistré à mon départ apparaisse. Ces quelques instants se transformèrent en minutes, puis en trop longues minutes. Quelque chose clochait. Autour de moi, les autres passagers empoignaient chacun à leur tour leurs bagages et filaient vers la sortie tandis que le tapis roulant continuait de tourner inlassablement, se vidant progressivement de son chargement. Au bout d’un moment, il devint évident qu’aucun autre bagage n’allait arriver. Le tourniquet fit encore une ou deux rotations, ne convoyant plus qu’une dernière valise grise orpheline, puis s’arrêta. J’étais seul à attendre, dernier passager du vol à ne pas avoir encore quitté l’aéroport, et je dus me rendre à l’évidence : mon sac à dos n’était pas là.

On estime qu’environ vingt-cinq millions de bagages sont égarés chaque année dans le monde. C’est un chiffre considérable, mais qui représente au final moins d’un pour cent des plus de quatre milliards de valises, colis et sacs transitant par les aéroports de la planète. C’est le genre de choses qui « n’arrive qu’aux autres », mais ce jour-là, l’autre c’était moi.

Je me suis rarement senti aussi perdu qu’à cet instant précis. Le fragile début de confiance que j’étais parvenu à recréer le temps du vol venait de voler en éclat, me laissant totalement désemparé. Mon voyage d’un an avait débuté depuis à peine douze heures, et je venais déjà de perdre la quasi-totalité de mes affaires : on aurait difficilement pu imaginer un départ plus calamiteux ! A mesure que je réalisai l’ampleur de ce coup du sort, l’épuisement du trajet me gagnait, tandis que mon niveau d’anxiété remontait en flèche. Je parvins à garder le contrôle de moi-même encore quelques minutes, le temps d’expliquer ma situation dans un mauvais anglais au personnel de l’aéroport, de remplir un formulaire de réclamation et de noter le numéro de téléphone à appeler pour suivre ma demande, puis je quittai les lieux et je m’effondrai sur le premier banc du hall d’entrée que je trouvai.

Je ne sais pas combien de temps je restai là, allongé en chien de fusil, indifférent aux quelques rares regards interrogatifs se posant sur moi. Il n’y avait personne pour m’aider, pas de filet de sécurité, rien. Tous les proches sur qui je pouvais compter étaient à des milliers de kilomètres. Ce matin-là à Bangkok, c’était encore la nuit en France et je ne pouvais même pas envisager d’appeler un ami ou mes parents pour me rassurer. J’étais rigoureusement seul, et cette pensée me terrifiait. Toutes sortes de sentiments se mélangeaient en moi, dont deux interrogations qui revenaient en boucle : avais-je pris la bonne décision en choisissant de partir ? N’avais-je pas commis une terrible erreur ? Si quelqu’un était venu me proposer un billet pour un vol retour s’apprêtant à partir, je l’aurais suivi sans hésitation. Mais heureusement, ça ne s’est pas passé comme ça.

The departure hall of Suvarnabhumi airport, Bangkok

Au bout d’un assez long moment, je parvins à me calmer et à reprendre le dessus sur mes émotions, réfléchissant à nouveau plus posément et plus logiquement. La situation était hors de mon contrôle. J’avais signalé la disparition de mon sac, et je ne pouvais rien faire de plus que patienter en espérant que le personnel de l’aéroport me recontacte rapidement. Tout n’était pas perdu cependant : j’avais encore avec moi mon portefeuille et ma valise au format bagage à main, qui contenait mes principaux objets de valeur (petit ordinateur portable et appareil photo) ainsi que quelques vêtements de rechange. C’était suffisant pour tenir les deux jours que j’avais prévu de passer à Bangkok.

Seules deux options s’offraient à moi : rester là à m’apitoyer sur moi-même, ou bien faire face et aller de l’avant. Arrivé à cette conclusion, je finis par me redresser, prenant quelques instants pour m’imprégner du bourdonnement qui m’entourait, puis je quittai le banc où j’étais resté prostré et je me lançai.

*****

Une chaleur moite et étouffante. C’est la toute première sensation qui me frappa alors que je laissai derrière moi l’atmosphère climatisée de l’aéroport. Après une demi-heure de métro, j’arrivai au cœur de Bangkok où je me mis en quête de l’hôtel que j’avais réservé, à proximité de la gare. C’était un petit établissement à la façade défraichie, mal insonorisé, mais dont les chambres étaient heureusement climatisées. A la réception, j’expliquai mon problème de bagage à un vieil homme édenté et suant à grosses gouttes malgré l’antique ventilateur électrique brassant péniblement un peu d’air derrière lui. Il était visiblement désireux de m’aider mais ne parlait pas du tout anglais ; heureusement, un autre employé d’à peu près mon âge (peut-être son fils) était également présent et je parvins rapidement à lui faire comprendre la situation. Il se proposa très gentiment d’appeler l’aéroport à ma place pour savoir où en étaient les investigations concernant mon sac à dos, et promit de m’avertir dès qu’il en saurait plus. Je laissai ma valise dans ma chambre, et quelque peu soulagé par cette aide amicale et inattendue, je partis explorer la ville.

Après avoir souffert de la chaleur sur le trajet menant à l’hôtel, mon corps s’est assez rapidement accoutumé à ces conditions climatiques inhabituelles ; quant à mon esprit encore un peu embrumé par toutes ces péripéties, il s’est lui aussi progressivement éclairci pour petit à petit faire la mise à point sur tout ce qui m’entourait. Les images, les sons, les odeurs m’ont alors submergé : le ballet ininterrompu des voitures, camionnettes, motos lancées bruyamment et à toute allure sur la route mais parvenant tout de même dans un miracle quasi-permanent à s’esquiver au dernier moment, les dorures d’une richesse inimaginable du Palais Royal contrastant avec les enchevêtrements de câbles électriques à chaque coin de rue, le brouhaha de la foule partout en ville, l’odeur tantôt envoutante des épices dans les marchés et de l’encens dans les temples, tantôt repoussante là où par endroits les ordures s’amoncelaient. Le temps semblait se vivre en accéléré ici, dans une profusion de couleurs, de sensations, et de vie.

Comment résumer Bangkok ? J’avais le sentiment d’avoir été parachuté au cœur d’un fabuleux désordre, au milieu d’un immense bazar, dans un joyeux n’importe quoi. Un mélange bigarré de touristes occidentaux, vendeurs à la sauvette, moines bouddhistes, policiers ou militaires en uniforme, conducteurs (ou plutôt devrais-je dire pilotes) de tuk-tuks, très avenants au premier abord mais dont le visage se fermait instantanément sitôt que je déclinai leurs services. Il faudrait une vie entière pour appréhender tous les aspects de cette ville, et le choc de cette découverte était trop brutal pour que je puisse l’absorber d’une seule traite. Ces deux jours de visite à peine m’ont tout juste permis d’entrevoir ce qui fait sa particularité ; je n’en suis resté qu’à la surface, n’osant pas tremper plus que le bout de mon orteil dans le bouillonnement de cet endroit tellement différent du calme bien ordonné de la Suisse d’où j’arrivai. Il était trop tôt pour que je sorte complètement de ma zone de confort, mais avantage d’un tel lieu, je n’avais aucune difficulté à me fondre dans la masse. L’incongru est à la mode à Bangkok, et ma présence assez banale passait totalement inaperçue.

Lors de cette première journée, je me rendis au temple de Wat Pho, l’un des plus grands du pays. Il est célèbre pour son immense et fabuleuse statue de Bouddha, le représentant couché sur son lit de mort, le bras gauche le long du corps et le droit soutenant sa tête aux yeux mi-clos. Je fus frappé par l’expression bienveillante et apaisée de son visage qui curieusement me réconforta, un peu comme si sa simple présence silencieuse m’assurait que tout irait bien. J’eus le sentiment que le poids que j’avais sur la poitrine depuis la perte de mon sac le matin même commençait à s’estomper tandis que je reprenais doucement confiance en moi.

Alors que je me promenai dans l’enceinte du temple, je fus surpris par une violente et subite averse de mousson, caractéristique de la saison des pluies dans cette région tropicale de la planète. Au lieu de rafraichir l’atmosphère, elle ne fit que renforcer encore un peu plus la sensation d’humidité, et lorsque je regagnai mon hôtel ce soir-là, j’étais poisseux de transpiration, épuisé, mais heureux de ma journée.

A peine avais-je franchi le seuil de la réception que le jeune employé qui m’avait aidé le midi se précipitait vers moi. « Mister Matthias ! Votre bagage a été retrouvé ! » m’annonça-t-il en anglais avec un large et franc sourire. Seul léger désagrément, il n’était pas en Thaïlande ; il n’avait d’ailleurs même pas quitté l’Europe, puisqu’il se trouvait à cet instant précis à… Vienne en Autriche (un employé de la compagnie aérienne avait-il confondu Austria et Australia ?), soit à plus de neuf-mille kilomètres de là. Toujours avec le soutien du jeune homme, je rappelai aussitôt l’aéroport où l’on me certifia que mon sac ferait le trajet pour Bangkok le lendemain, et qu’on me l’amènerait aussitôt. J’indiquai les coordonnées de l’hôtel où j’allais passer ma seconde nuit, espérant qu’ils disaient vrai et qu’il me serait livré avant mon vol pour l’Australie prévu le surlendemain matin. Remerciant chaudement mon interprète de fortune, je repensai en souriant à l’étrange sentiment de réconfort que j’avais éprouvé face au Bouddha couché. Pour la première fois depuis mon départ, je me sentis à nouveau optimiste et déterminé.

Après une bonne nuit de sommeil réparatrice, je me réveillai en pleine forme, prêt à reprendre mes explorations de Bangkok. J’avais prévu de visiter le Palais Royal, mais plutôt que de m’y rendre directement, je décidai d’abord de traverser Chinatown, le quartier chinois situé tout près de mon hôtel.

C’était ma toute première escapade en-dehors des lieux les plus prisés des touristes, à la découverte de l’un des cœurs battants de cette métropole aux vingt millions d’habitants. Je n’avais jusque-là pas vraiment l’habitude de m’éloigner des sentiers battus au cours de mes voyages, et je restai encore timidement en retrait lors de cette brève incursion, impressionné par le tumulte de l’endroit, me faisant tout petit et n’osant pas sortir mon appareil photo. Je me contentai de quelques clichés pris « à la volée » avec mon téléphone portable, mais qui lorsque je les regarde aujourd’hui me paraissent retranscrire parfaitement l’atmosphère de Chinatown. La plupart de ces photographies sont un peu floues, pas très bien cadrées, la luminosité y est mauvaise, mais elles sont un peu à l’image de ce quartier : chaotique, tourbillonnant, et en même temps tellement vivant.

Je n’avais pas de but précis et je déambulai parmi la foule, au hasard d’étroites allées bordées d’innombrables échoppes, devant parfois m’écarter pour laisser passer un scooter klaxonnant bruyamment pour se frayer un passage. On trouve littéralement de tout dans Chinatown : des vendeurs d’encens, des statues de Bouddha, des épices colorés dans d’immenses jarres, des conserves et bocaux de produits non-identifiés, des t-shirts bon marché (mais pas forcément de bon goût…), des pièces de rechange pour tous types de véhicules, des fruits exotiques, des objets de luxe à des prix défiant toute concurrence (et laissant planer le doute sur leur origine), des poissons frits odorants et mille choses encore. A chaque coin de rue, les fils électriques s’entortillaient les uns avec les autres dans un chaos inextricable, tandis que la plupart des façades présentaient d’importants signes d’usure. Et puis subitement, au détour d’une ruelle bondée, le calme d’un temple à la présence presque anachronique en ces lieux venait offrir une oasis apaisante au milieu de ce fourmillement incessant. J’avais découvert une partie de l’âme de Bangkok, loin des quartiers modernes beaucoup plus lisses, et ce premier aperçu m’avait donné une furieuse envie d’y goûter à nouveau.

Je passai l’essentiel de l’après-midi à visiter l’immense Palais Royal, m’émerveillant devant la richesse de ses temples, de ses fresques, de ses décorations, puis vint l’heure de me diriger vers mon second hôtel. Le lendemain matin, mon vol décollait de l’aéroport Don Muang, au nord de Bangkok, et non pas de Suvarnabhumi à l’est d’où j’étais arrivé. Dans un souci de confort et pour éviter de me lever à l’aube, j’avais choisi de passer la nuit dans un établissement un peu plus cher (bien qu’encore très bon marché par rapport aux tarifs européens auxquels j’étais habitué) mais tout proche de l’aéroport, et j’avais choisi de m’y rendre en train.

Plus encore que mes pérégrinations du matin dans le quartier chinois, ce trajet fut une véritable plongée dans le quotidien de milliers d’habitants de Bangkok. J’étais le seul Européen du wagon bondé, légèrement mal à l’aise et avec le sentiment de ne pas être à ma place, mais personne ne semblait s’offusquer de ma présence. C’était la fin de la journée, les gens quittaient leur lieu de travail dans le centre-ville pour regagner leur domicile dans les immenses banlieues s’étendant à des kilomètres à la ronde. Le train ne désemplissait pas : à chaque arrêt (une douzaine environ), des dizaines de personnes descendaient du wagon, aussitôt remplacées par des dizaines d’autres. Par la fenêtre, je voyais défiler des immeubles d’habitations aux murs fatigués par le temps et le manque d’entretien, quelques temples aux toits pentus, de vieilles façades de style colonial et surtout un nombre incalculable de maisons basses faites de bric et de broc. Le manque de ressources de ceux vivant dans ces quartiers défavorisés sautait aux yeux, me faisant réaliser encore plus clairement à quel point je venais d’un environnement privilégié, quand bien même j’avais choisi de le quitter pour partir à l’autre bout du monde.

C’était aussi l’éloge de la lenteur : environ une heure de trajet pour parcourir la vingtaine de kilomètres séparant la gare centrale de l’aéroport. Pour autant, en voyant la file interminable de véhicules attendant à chaque passage à niveau, je ne suis pas persuadé qu’un taxi aurait mis beaucoup moins de temps ! J’aperçus un marché à ciel ouvert aux étals colorés le long des rails ; ici, quelques enfants jouaient au football au bord de la voie, sans se préoccuper du passage d’un train juste à côté d’eux ; là, les ordures s’accumulaient en immenses tas. Encore une fois, je n’osai pas prendre de photos, mais les souvenirs de ce trajet sont restés imprimés en moi.

Je finis par rejoindre mon hôtel, où une bonne surprise m’attendait : mon sac était cette fois en avance sur moi ! Il avait été déposé quelques minutes seulement avant mon arrivée, et la jeune fille à la réception avait pris soin de le mettre de côté. C’était un vrai soulagement. Je pouvais quitter la Thaïlande l’esprit tranquille, heureux d’avoir pu profiter au maximum de mon bref séjour. Ce coup du sort avait été une épreuve dure à surmonter, mais j’avais réussi à me prouver à moi-même que j’étais capable de faire face seul à ce genre de situations, qui à coup sûr ne manqueraient pas de se représenter lors des douze mois à venir.

Un dernier souvenir de ces deux jours à Bangkok me revient en mémoire. J’avais prévu pour cette ultime soirée d’aller dîner dans un restaurant aux environs de mon hôtel, mais la mousson en décida autrement. Impossible de sortir sous une telle pluie battante ! Je m’étais alors rabattu par défaut sur les plats surgelés que proposaient les membres de la famille tenant l’établissement, peut-être en prévision de ce genre de situation. Ceux-ci avaient manifestement été très surpris de me voir préférer rester dîner à la table voisine de celle qu’ils occupaient dans la vaste salle de restaurant du rez-de-chaussée, s’attendant certainement à me voir remonter dans ma chambre avec mon plat. En-dehors d’eux, la salle était vide et j’étais la seule présence étrangère, attisant leur curiosité. Après quelques tentatives de communication rendues difficiles par la barrière de la langue, ils avaient appelé à la rescousse la jeune fille de la réception qui parlait quelques rudiments d’anglais et servit d’interprète du mieux qu’elle le pouvait.

On dit parfois avec une pointe de condescendance que la Thaïlande est le « Pays du Sourire » ; ma propre expérience fut trop brève pour en attester, mais c’est en tout cas sur l’image de cette famille riant aux éclats devant mes tentatives maladroites de prononcer quelques mots en thaï que se referme ce prologue, me laissant des nombreux souvenirs impérissables et une envie profonde de revenir à Bangkok un jour. Mais d’abord, place à l’Australie.

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