The Joshua Tree, un album et un Parc National

Sorti en 1987, l’album The Joshua Tree de U2 est l’un de mes disques préférés. Je l’ai écouté un nombre incalculable de fois, toujours avec le même plaisir et les mêmes émotions. La pochette en noir et blanc et la photo de cet arbre étrange qui lui a donné son nom sont même devenus presque mythiques pour moi ! Forcément, lorsque j’ai visité le Parc National de Joshua Tree en Californie au printemps 2018, la bande son de mon road trip était toute trouvée… Alors que je conduisais dans cet endroit magnifique, écoutant ces chansons que j’adore, une idée m’est venue : combiner les deux expériences, la musique et le paysage. Voici le résultat de cette idée : un voyage touristique et musical dans le Parc National de Joshua Tree.

1. Where The Streets Have No Name

De longues notes de synthé en introduction. Un riff de guitare reconnaissable instantanément, montant doucement en puissance jusqu’à ce que soudainement le vrombissement de la basse et le rythme de la batterie fassent leur apparition, plus d’une minute après le début du morceau. C’est l’une des mes chansons préférées de tous les temps et le volume est à fond dans ma voiture au moment où j’accède au parc par l’entrée sud, laissant Salton Sea et Slab City derrière moi. L’excitation est à son comble et j’ai hâte de voir mon premier arbre de Josué (l’appellation française du Joshua tree). Bono commence à chanter : « I want to run/I want to hide » (« Je veux courir/Je veux me cacher »). C’est parti !

2. I Still Haven't Found What I'm Looking For

Un bref arrêt au centre d’information de Cottonwood pour me procurer une carte et demander quelques conseils pour savoir où aller et je reprends la route, écoutant la seconde piste de l’album et son ambiance un peu gospel. Je n’ai pas encore trouvé ce que je cherchais moi non plus : il n’y a pas d’arbres de Josué dans cette partie du Parc car ils ne poussent qu’à une altitude très spécifique et je vais devoir monter encore un peu avant d’en trouver. Mais je suis en vacances, rien ne presse, et le paysage rouge et aride autour de moi est très beau de toute manière.

3. With Or Without You

Toujours pas d’arbres à l’horizon, mais je m’arrête tout de même pour la première fois pour me promener au milieu d’un vaste champ de cactus cholla. Ils ne sont pas très grands mais très jolis avec leurs troncs noirs et leurs épines d’un jaune/vert pâle. Lorsque je m’approche un peu plus près pour délicatement les toucher, je me rends compte à quel point elles sont dures et solides : malheur à celui qui trébucherait sur un de ces cactus, il risquerait de ne jamais l’oublier ! On pourrait d’ailleurs en dire de même de cette chanson : elle débute doucement avant de monter en puissance jusqu’à ce que Bono lâche toute sa puissance vocale sur le dernier refrain. C’est l’un des plus beaux morceaux de U2 et l’un de leurs plus grands succès commerciaux, et une fois que vous l’entendez, vous ne pouvez plus l’oublier.

4. Bullet The Blue Sky

Ca y est. Ils sont là. Arrivé à la hauteur du camping de White Tank, je vois enfin mes premiers arbres de Josué. Le cadre est grandiose : c’est un véritable chaos de rochers de toutes tailles, et l’érosion a créé quelques délicates arches entre eux. Le soleil cogne au-dessus de ma tête et le ciel est bleu, mais les seuls bruits sont ceux de mon appareil photo, shootant sans relâche les environs, au même rythme que la partie de batterie qui débute ce titre. Ce sont probablement les arbres les plus photogéniques que j’aie jamais vus, en particulier en noir et blanc.

5. Running To Stand Still

Il fait chaud cet après-midi, trop pour randonner. A la place, je conduis jusqu’à Keys West, le point le plus haut du parc. Je reste debout sans bouger au sommet pendant un moment, avec les notes de pianos de la cinquième piste de l’album dans mes oreilles, tout en contemplant la vue magnifique face à moi. Et puis je redescends tranquillement jusqu’à Joshua Tree Village où se trouve ma chambre pour la nuit. Il devrait faire moins chaud demain, je reviendrai tôt pour explorer le reste du parc dans la matinée.

USA, California, Joshua Tree National Park, Keys view

6. Red Hill Mining Town

Je l’ignorais avant de venir ici, mais la ruée vers l’or du 19e siècle a aussi touché cette partie de la Californie. Je l’ai découvert en me promenant dans la section du Parc située non loin de Barker Dam, où se trouvent des restes de cette époque et notamment le « Wall Street stamp mill », une machine servant à séparer l’or du minerai creusé dans les mines. Cette chanson qui rend hommage au combat des mineurs britanniques des années 1980 n’a rien à voir avec la Californie, mais c’est elle qui ouvre la seconde partie de l’album, et aussi ma seconde journée de visite. Je suis d’ailleurs dans l’une des zones les plus isolées du Parc et je suis absolument seul, à l’exception d’un lapin aux grandes oreilles et de quelques carcasses de voitures abandonnées depuis des décennies.

7. In God's Country

Pour les Indiens natifs comme pour les colons, l’eau a toujours été une question de vie ou de mort dans des terres aussi arides. Le Barker Dam, un petit barrage, a été construit en 1900 par les premiers éleveurs venus dans la région. Le lac artificiel créé ainsi existe toujours aujourd’hui et c’est une vision étonnante de tomber sur une étendue d’eau au milieu du désert. Le chemin qui conduit au barrage passe aussi devant un rocher sur lequel des pétroglyphes ont été peints par les Indiens. Ils ne croyaient pas au Dieu mentionné dans cette chanson, mais ils croyaient en la nature et leurs esprits sont sans doute toujours présents dans ces pétroglyphes ou ailleurs dans le parc. Vous les verrez peut-être dans vos rêves, « dreams beneath the desert sky » comme le chante Bono dans le premier couplet de ce titre…

8. Trip Through Your Wires

Mon prochain arrêt est Hidden Valley, la Vallée Cachée, un endroit entouré de hauts rochers la rendant impossible d’accès jusqu’à ce que les premiers colons utilisent de la dynamite pour créer un passage. La Vallée Cachée était utilisée par des brigands et bandits qui y cachaient les chevaux qu’ils avaient volés : derrière ces rochers ils étaient complètement invisibles depuis l’extérieur ! La vie était compliquée au Far West… Avec sa partie à l’harmonica, cette chanson pourrait sortir tout droit de cette époque, et elle ne dépareille pas avec les lieux.

De nos jours, un chemin circule dans la vallée, avec plusieurs panneaux expliquant les particularités de cet écosystème unique et fragile, différent du reste du parc car les rochers amènent plus d’ombre et sont une protection naturelle contre le vent tandis que l’eau y est plus facilement stockée. On s’en rend compte facilement : il y a bien plus d’arbres à l’intérieur qu’à l’extérieur. Beaucoup de cactus également, avec de magnifiques fleurs rouges.

9. One Tree Hill

Ma dernière promenade de la journée m’amène au sommet de Ryan Hill, où la vue à 360° sur le parc est superbe. L’ascension n’est pas particulièrement compliquée mais il y a beaucoup de vent et il fait étonnamment froid tout en haut ! Pourtant il doit faire très chaud ici en été, car il n’y a aucune ombre sur le chemin. Je prends rapidement une photo d’un arbre de Josué isolé avant de redescendre, pensant à la « vraie » One Tree Hill, celle de la chanson, à Auckland où j’étais quelques mois plus tôt (photo de droite ci-dessous). Ce titre fût écrit à la mémoire de Greg Carroll, un Maori qui rencontra le groupe lors d’une de leurs tournées et les suivit comme roadie jusqu’à son décès accidentel à Dublin en 1986 ; une connexion émouvante entre la Nouvelle-Zélande, l’Irlande et l’Amérique.

10. Exit

Le moment est déjà venu de quitter le parc… Avant de prendre la route vers Las Vegas, ma prochaine destination, je m’arrête une dernière fois aux Jumbo Rocks, un autre amas de rochers de différentes tailles et formes. L’un d’entre eux ressemble d’ailleurs à un gigantesque crâne. C’est plutôt amusant d’escalader ces gros cailloux, et les enfants autour de moi s’en donnent à cœur joie. Après quelques minutes je retourne à ma voiture, je mets le contact et je suis les panneaux « Exit ».

11. Mothers Of The Disappeared

Sur la route vers Las Vegas, en écoutant la dernière piste de l’album dédiée aux mères des disparus victimes des régimes dictatoriaux d’Amérique du Sud, je traverse une vaste forêt d’arbres de Josué dans le désert Mojave. Si la plupart d’entre eux sont concentrés dans le Parc National de Joshua Tree, d’autres arbres sont dispersés assez loin dans le Nevada ou plus au nord de la Californie. LE Joshua Tree, celui en photo dans l’album, se trouve d’ailleurs proche de la Vallée de la Mort, à des kilomètres du Parc ! Mais il a disparu lui aussi : il s’est écroulé il y a quelques années et est depuis une sorte de lieu de pèlerinage pour fans de U2. Mais il se trouve beaucoup trop loin de mon itinéraire pour que j’y fasse un détour.

C’est ici que s’arrête l’album, un peu plus de 50 minutes après ses premières notes, et c’est aussi ici que se termine ma visite. J’espère que vous avez apprécié ce voyage musical et touristique au cœur du Parc National de Joshua Tree !

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